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Vers de meilleures infrastructures

Deux chercheurs de l'UdeS ont pris part à l'élaboration des premières normes au monde pour étendre l'usage des matériaux composites dans la réfection et la construction de routes et de ponts. Les matériaux comme le carbone ou le kevlar offrent des avantages indéniables.
Deux chercheurs de l'UdeS ont pris part à l'élaboration des premières normes au monde pour étendre l'usage des matériaux composites dans la réfection et la construction de routes et de ponts. Les matériaux comme le carbone ou le kevlar offrent des avantages indéniables.
Photo : Roger Lafontaine

16 août 2007

Robin Renaud

Des ponts plus durables qui nécessitent moins d'entretien et d'inspection, des tabliers de viaduc plus légers qui résistent à des charges plus lourdes, des routes sans nids-de-poule… Scénario utopique ou réalité de demain? Chose certaine, l'usage de matériaux composites dans les infrastructures routières pourrait solutionner plusieurs de ces problèmes. Les chercheurs du Département de génie civil développent depuis une quinzaine d'années des solutions novatrices pour améliorer les ponts et les chaussées. Parmi eux, les professeurs Kenneth Neale, qui dirige la Chaire de recherche du Canada sur les matériaux d'avant-garde en génie, et Brahim Benmokrane, titulaire de la Chaire CRSNG-industrie sur les matériaux composites novateurs en polymères renforcés de fibres pour les infrastructures.

Les deux chercheurs ont récemment pris part à l'établissement des normes canadiennes pour guider les ingénieurs dans la réalisation de structures recourant aux matériaux composites – des normes jusqu'alors inexistantes.

Avantages indéniables

Kenneth Neale

Les matériaux composites sont aussi appelés polymères renforcés de fibres. On y retrouve des fibres de verre, de carbone et d'aramide (ou kevlar). Brahim Benmokrane donne un exemple qui illustre bien la résistance de ces matériaux : «Au dernier Grand prix de Montréal, on a vu un pilote fracasser son bolide contre un mur. Or, le cockpit de sa voiture était fait de carbone pour protéger le pilote, qui a pu s'en sortir indemne. Une coquille d'acier n'aurait pas été aussi résistante et aurait probablement tordu sous l'impact. De la même façon, pour la structure d'un pont, ces matériaux offrent une résistance exceptionnelle. En plus, ils ne sont pas sujets à la corrosion comme le sont les armatures d'acier.»

Selon le professeur, l'absence de normes et de guides d'utilisation faisait en sorte que les ingénieurs hésitaient à employer ces matériaux. Cet obstacle vient d'être éliminé.

Fini le stade expérimental

Brahim Benmokrane

Cinq professeurs de l'UdeS et plusieurs étudiants occupent une position enviable au sein du Réseau canadien de centres d'excellence sur les innovations en structures avec systèmes de détection intégrés, désigné par l'acronyme ISIS Canada. Avec d'autres chercheuses et chercheurs du pays, les professeurs Neale et Benmokrane ont participé à l'élaboration d'un nouveau chapitre du code canadien sur le calcul des ponts routiers en novembre 2006. Par la suite, une série de conférences a été donnée à travers le pays pour mettre les ingénieurs civils dans le coup.

«Généralement, les ingénieurs civils font preuve d'une grande prudence lors de la préparation d'un projet, et ils comptent sur des ouvrages de référence pour valider leurs calculs et leurs plans. Faute de normes claires, ils préféraient continuer d'employer des matériaux conventionnels. Nous avons donc produit des manuels qui livrent une information complète sur des technologies qui ont été éprouvées, les critères à respecter ou les limites de charges de tel ou tel produit», explique le professeur Benmokrane.

«D'ailleurs, le code canadien sur le calcul des ponts routiers est le seul au monde qui permet l'utilisation de polymères renforcés de fibres pour la réfection des structures vieillissantes. Les matériaux composites sont une réalité avec laquelle il faut maintenant composer. L'adoption des nouvelles normes confirme bien que le stade expérimental est terminé», ajoute son collègue Kenneth Neale. Mentionnons que le professeur Neale, qui œuvre à l'UdeS depuis 1970, a récemment été nommé président de l'Institut international des polymères renforcés de fibres dans les constructions.

Besoins majeurs

L'effondrement d'un viaduc à Laval l'an dernier et celui d'un pont du Minnesota ces dernières semaines ont rappelé cruellement la nécessité de restaurer de nombreux ouvrages d'art qui ont plusieurs années de service. La réfection de ces ouvrages pourrait bénéficier grandement des nouvelles techniques recourant aux matériaux de pointe, ayant pour effet de prolonger la vie utile ou la capacité de plusieurs structures. «Les polymères renforcés de fibres offrent des avantages indéniables parce qu'ils simplifient et réduisent la durée de la construction initiale, ils nécessitent moins d'entretien et d'inspection, et ils retardent les coûts de remplacement des structures. C'est donc un bon investissement à long terme, tant pour la réfection d'anciennes structures que pour les nouvelles constructions.»

Un projet concret à Sherbrooke

Au cours des prochaines années, les automobilistes sherbrookois pourront profiter d'un tout nouveau viaduc construit selon des technologies de pointe développées au Département de génie civil. Il s'agira d'un viaduc de six voies qui sera compris dans le prolongement de l'autoroute 410, et qui enjambera le boulevard de l'Université. Le nouvel ouvrage comportera des matériaux composites. Il sera en plus équipé d'instruments de télésurveillance qui donneront des données en temps réel disponibles aux groupes de recherche présents dans les laboratoires de la Faculté de génie. La mise en chantier de ce projet doit débuter dès cet automne.

D'ailleurs, les projets ne manquent pas pour les prochaines années, selon Brahim Benmokrane. Le professeur parle notamment de l'établissement de nouvelles normes destinées à encadrer d'autres usages plus spécifiques des matériaux composites d'ici 2013, et qui solliciteront le travail de nombreux chercheurs de diverses disciplines. «L'Université de Sherbrooke regroupe plusieurs spécialistes. Elle est particulièrement bien positionnée pour répondre aux besoins criants d'amélioration des infrastructures auxquels notre société est confrontée. En plus de faire de la recherche fondamentale, il faut proposer des moyens concrets pour rendre ces technologies accessibles», conclut-il.


Haro sur les nids-de-poule!

Deux étudiants en génie civil se distinguent par leurs travaux

Mohamed Eisa

Il n'y a pas que les ponts et viaducs qui peuvent profiter des bénéfices des matériaux composites. «Les autoroutes aussi!» signale Brahim Benmokrane. Un projet de doctorat qu'il a dirigé, réalisé par l'étudiant Mohamed Eisa, l'a bien démontré. Un tronçon de l'autoroute 40, à Montréal, a été construit en dalles de béton renforcé par des armatures de matériau composite. Le projet a été réalisé en collaboration avec le ministère des Transports du Québec. «Les routes de béton sont plus résistantes que celles d'asphalte, explique l'étudiant. Or, avec les écarts de température entre la partie exposée des dalles de béton et celle qui ne l'est pas, le béton est soumis a un stress qui le fait fissurer. Le calcium épandu en hiver s'infiltre et vient ensuite attaquer les armatures d'acier. Le projet qui a été mené par notre équipe mettait à l'épreuve de nouvelles armatures en composites disposées en continu. Jusqu'à maintenant, le projet est très concluant.»

Aurait-on trouvé une solution aux ornières, fissures et nids-de-poule qui rendent la vie des automobilistes si misérable au printemps? En tous cas, le projet a intéressé des spécialistes du Texas, de l'Ontario, du Manitoba et de la Colombie-Britannique. Mohamed Eisa a aussi remporté un prix pour ce projet, lors de la dernière conférence annuelle du Réseau canadien de centres d'excellence sur les innovations en structure avec systèmes de détection intégrés ISIS Canada, qui se déroulait à Saint John's, Terre-Neuve, au début de mai. Le prix, assorti d'une bourse de 500 $, a été décerné en fonction de la qualité de la présentation dans le domaine du génie civil.

Les travaux de Mohamed Eisa constituent une première mondiale en ce qui a trait à la vérification de la performance des chaussées en béton avec des armatures en polymères renforcés de fibres. Les résultats de ces travaux vont fournir des résultats pionniers à la littérature de ce domaine.

Un prix pour Mathieu Robert

Mathieu Robert

Un autre étudiant en génie, également dirigé par le professeur Benmokrane, s'est distingué lors de la conférence annuelle d'ISIS. Mathieu Robert s'est vu décerner la bourse Leslie-Jaeger pour l'avancement de l'ingénierie. Cette bourse nationale de 5000 $ lui a été remise pour l'excellence de ses travaux de recherche portant sur l'étude de la durabilité et la mise au point de nouveaux matériaux composites polymères pour le génie civil. L'optimisation de la performance et de la durabilité à long terme de matériaux pour le génie civil est au cœur des travaux de Mathieu Robert. Pour y arriver, celui-ci oriente ses recherches vers l'élaboration de nouveaux nanocomposites et l'utilisation de composites thermoplastiques. Les travaux de l'étudiant constituent une réponse concrète aux problèmes récurrents liés à la corrosion des matériaux habituellement utilisés dans les infrastructures, tels que l'acier d'armature. Les résultats de ces travaux vont pallier le manque de littérature sérieuse dans ce domaine.

Lien contextuel

Site de l'ISIS